À l’heure où la vulgarisation de la philosophie a le vent en poupe, l’écriture d’un ouvrage de présentation de l’oeuvre magistrale de Spinoza à destination du grand public était loin d’être une entreprise aisée. Avec Le miracle Spinoza, Frédéric Lenoir relève pourtant le défi avec brio.
Le premier atout de l’oeuvre réside dans l’ancrage de l’analyse dans un contexte historique précis, indispensable pour saisir les enjeux qui ont conditionné la naissance de la pensée du philosophe. Du contexte politico-religieux des Provinces-Unies à la situation familiale et affective complexe de Spinoza, qui fut banni de la communauté juive à 23 ans pour hérésie, l’auteur fait dans un premier temps émerger les réflexions existentielles du penseur – notamment sur la nature de Dieu – de la convergence de multiples facteurs historiques, pour, d’une part, dans un souci pédagogique, poser les bases d’analyse de sa philosophie et d’autre part, mettre en exergue le caractère extrêmement visionnaire et avant-gardiste de cet intellectuel du XVIIe siècle.
Partant de cet exposé, Lenoir déconstruit la pensée de Spinoza pour la rendre la plus intelligible possible au plus grand nombre, sans jamais toutefois la dénaturer. Il aborde les notions philosophiques telles que les conçoit le philosophe – Dieu, l’organisation politique, la raison, le désir et la liberté humaine – parvenant certainement à convaincre le plus réticent des lecteurs de la clairvoyance de celui qu’il appelle « son ami ». Réussir à inculquer les grandes lignes de la pensée de Spinoza en quelque 221 pages seulement et en toute humilité, relève à mon sens de l’exploit didactique. Il en résulte un ouvrage vivant (la postface, dans laquelle est retranscrit son échange épistolaire avec Robert Misrahi, spécialiste du philosophe, dont l’avis diverge du sien sur certains points, y contribue fortement) et complet.
Mais ce livre constitue également, et peut-être même avant toute autre chose, un modèle de vie, un guide à la fois pratique et spirituel vers la joie absolue, qui passe selon Spinoza et l’analyse que fait l’auteur de sa pensée, par une connaissance de soi et de ses désirs et un usage pointu de sa raison. Cette dimension révèle tout l’intérêt de la vulgarisation, offrant au lecteur des clés pour aborder sa propre existence. À une époque où l’incertain et l’agitation dominent, il tombe donc à point nommé. À mettre entre les mains de tous les lecteurs et toutes les lectrices en quête d’apaisement.
